FREDERIC TALGORN :
retour sur Anthony Zimmer

par Yann Merluzeau


Vous semblez avoir eu des délais assez serrés pour la composition de cette musique. L'émulation est-elle différente ? La "pression" est-elle la source d'une approche différente de l¹écriture ?

Les délais pour l'écriture de la partition (une semaine!), furent la principale difficulté de ce projet. Ceci étant dit, je fonctionne trés bien sous pression et on écrit parfois ses meilleures partitions dans ce genre de situation, car on a pas le temps de douter. Ce qui prime alors est la spontanéité et le courage de l'accepter sans remettre en question le jet créatif initial. Une solide technique d'écriture et quelque expérience aident aussi beaucoup dans ces cas là.

Les producteurs de Anthony Zimmer avaient-ils une idée précise de la musique qu'ils attendaient ou vous ont-ils laissé "carte blanche" ?

Le metteur en scène Jérôme Salle a été trés clair sur ses intentions, il a accepté la premiere idée musicale que je lui ai jouée au piano, et j'ai pu ensuite construire et décliner librement le reste de la partition. Il faut dire aussi que nous n'avions pas le temps de discuter en détails de chaque scène, chaque minute comptait pour la composition et l'orchestration.

Quel personnage, ou quelle scène, ont été la principale source d'inspiration de la tonalité - de l'esprit - de votre partition ?

Le rythme hypnotique du film, son atmosphère, ainsi que la photo, superbe, ont été surtout ma principale source d'inspiration.

Où avez-vous enregistré la musique de Anthony Zimmer ?

A Paris, aux studios Davout.

Quelle était la formation requise pour cette partition ?

Principalement les cordes, 6 bois, Piano Harpe et percussions.

Édouard Dubois - votre collègue et ami de longue date - était consultant musical de Laisse Tes Mains Sur Mes Hanches, il l'est pour Anthony Zimmer : est-ce une coïncidence ?

Edouard Dubois est un professionnel hors pair qui, je dois le dire, accomplit un travail remarquable pour le musique de film en France. Il est a l'origine de ma collaboration sur non seulement Laisse Tes Mains Sur Mes Hanches, mais aussi sur Anthony Zimmer et le Brasier, qui était mon premier film Français. Nous partageons une grande amitié depuis longtemps et une passion commune pour la musique de film.

Après Laisse Tes Mains Sur Mes Hanches et RRRrrrr!!!, Anthony Zimmer est votre troisième film français en deux ans, est-ce le signe d'un souhait d'être associé au cinéma français de façon plus régulière ?

Tout à fait, et d'ailleurs je commence bientôt l'ecriture d'un autre film Français, Les Aiguilles Rouges, que nous enregistrons à la fin de l'année.

Si l'on se réfère à l'époque du Brasier  - votre premier film français, il y a quinze ans - les méthodes de travail ont-elles évoluées ? Si c¹est le cas, est-ce révélateur sur un film comme Anthony Zimmer ?

J'ai eu la chance, jusqu'à présent, de travailler sur des films français où la musique était prise trés au sérieux (on peut d'ailleurs voir là la bonne influence d'Edouard Dubois...) et où les moyens mis à ma disposition ont permis de travailler de façon rigoureuse et professionnelle, ce qui n'est pas toujours le cas, cela va de soi.

Allez-vous continuer de faire des films aux USA ?

Je travaille toujours aux USA et viens de terminer là-bas un projet en 3D, "Robots of Mars", qui devrait sortir sur les écrans Imax. Il s'agit d'un film d'animation de 20 minutes, dans le genre science-fiction, très spectaculaire, et que j'ai enregistré à Bratislava avec 95 musiciens.

Ce n¹est pas la première fois que vous êtes associé à des films dits « documentaires » après Jupiter the Giant, Accross China with the Yellow River ou Legends in Light, entre autres. Est-ce un genre qui laisse plus de marge de manoeuvre, plus de liberté qu'un long métrage, où les timings sont beaucoup plus strictes ?

Les timings sont au contraire en général moins stricts, mais émotionnellement, l'approche est pour moi la même.

Votre partition pour HEAVY METAL 2000 est très certainement l'une des plus appréciées de votre carrière, à ce jour. Avec le recul, était-ce une bonne expérience ?

Je ne savais pas que Heavy Metal est l'une de mes partitions les plus appréciées de ma carrière, voila qui me réjouit. C'est une partition que j'aime beaucoup, même avec le recul et qui, je me souviens, m'a demandé beaucoup de travail.

Le film DEVIL'S ARITHMETIC, dont vous avez composé la musique en 1999, a été très bien reçu par la critique. Demeure t-il une expérience à part à ce jour ?

Oui, car le sujet de l'holocauste est très difficile à aborder musicalement : une retenue extrême est de rigueur ici et je pense d'ailleurs, avec le recul, qu'une traduction musicale personnelle, émotionnelle, ne peut être que déplacée dans ce contexte. Le silence hébété et horrifié ne souffre aucun commentaire.

Quel est le film qui a été  le plus gratifiant pour vous à ce jour, musicalement parlant ?

Je crois que Monty Spinneratz et Edge of Sanity restent musicalement très prés de mon coeur, mais je dois dire aussi que chaque film a été l'occasion de grandes joies et d'apprendre chaque fois un peu plus, si possible, à écrire mieux.

Les moyens dont vous disposez pour les productions TV US - auxquelles vous avez été associé ces dernières années - vous ont-ils permis de composer des oeuvres à la hauteur de vos attentes ? Ont-elles été des collaborations intéressantes avec les réalisateurs ?

The Devil's Arithmetic et Do or Die ont été intéressants car ils m'ont permis d'intégrer l'électronique dans la musique, ce qui parfois s'avère nécessaire et enrichi la palette sonore.

Avez-vous fait appel à un orchestrateur pour Anthony Zimmer ou cela demeure-t-il un fait exceptionnel chez vous ?

J'orchestre toujours moi-même, pour moi cela fait partie de l'écriture elle même. Parfois, j'ai utilisé un orchestrateur pour recopier en full score mes sketches lorsque je n'avais pas le temps de le faire moi même, mais il ne s'agit de toute façons pas d'orchestrations dans ce cas là, car ils ne font aucun choix d'instrumentations ou de voicing, il s'agit juste de recopier fidèlement ma partition de 12 portées qui contient tout, musique, instrumentation, voicing et cetera...
Ceci dit, aujourd'hui, je n'écrit plus de sketches complets comme je le faisais avant, j'écris et orchestre directement en full score, ce qui est bien pratique dans des cas comme Anthony Zimmer par exemple, avec une semaine pour tout écrire.

Votre première partition, EDGE OF SANITY, reste ma préférée. Avez-vous bon espoir de la voir enfin éditée un jour sur CD ?

Les masters de Edge of Sanity et du Brasier semblent avoir disparu, mais je suis sur quelques pistes qui ne me font pas abandonner tout espoir.

Deux de vos CD - Fortress et Heavy Metal 2000 - ont été produit et édités par vos soins sous la forme d'albums promotionnels "hors commerce", comment et pourquoi ces projets ont-ils vu le jour ?

Si je me souviens bien, c'était la seule solution à ce moment là de mettre ces musiques à la disposition du public.

Y a-t-il bon espoir de voir la musique des jeux olympiques rééditée à une échelle plus importante que le CD promo de 1992 ? Cette musique - tout comme Edge of Sanity - est en effet très demandée.

Je n'ai jamais entendu parler d'un projet de réédition, mais cela serait, il est vrai, une bonne idée.

Des compagnies ont-elles exprimées le souhait de produire des CD de votre musique ?

Il est fort possible que mon Concerto pour trompette, écrit pour Thierry Caens, soit enregistré bientôt, mais cela reste encore sur le métier.

Comment s'est déroulée la production du cd de Anthony Zimmer avec Milan ?

Très bien, je dois dire, ils ont fait un excellent travail.

Avez-vous un projet qui - actuellement - vous tient tout particulièrement à coeur ?

A la demande de la Académie Royale de Musique de Londres, j'ai commencé l'ecriture d'une pièce de concert pour ensemble à vents, chose que je n'avais jamais fait avant et qui m'enthousiasme.

Des regrets, des choses que vous auriez souhaité avoir vécu ou appréhendé différemment au cours de ces 15 dernières années passées dans la musique de film, aux USA et en Europe ?

"Non, rien de rien, non, je ne regrette rien..."
 


Merci à Florence Dinh (Milan Music France) et à Frédéric Talgorn pour sa disponibilité.....et son immense talent.
 
 

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